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Paysan-Meunier-
Boulanger,

un triple métier
du grain au pain…

05.12.2022

Dans sa ferme, Simon Menot a voulu intégrer toutes les étapes de production du grain au pain : il cultive les céréales, les trie, les stocke et en fait de la farine avec son moulin. Puis il façonne du pain artisanal au levain naturel, qu’il livre dans la région. Découverte d’un triple métier encore rare…

Un article de DW Influence

Direction la ferme de l’Abreuvoir à Tournay (Neufchâteau), dans la province du Luxembourg. Depuis 2015, Simon partage son temps entre ses 3 casquettes paysan-meunier-boulanger, ce qui nécessite une sacrée dose d’organisation et beaucoup d’heures de travail… « Je passe vraiment d’une tâche à l’autre non-stop » raconte-t-il. « Je vais travailler le sol, puis je passe au moulin vérifier que tout se passe bien, puis il est l’heure de préparer mon levain, d’aller nourrir mes vaches… Deux fois par semaine, je cuis le pain la nuit et j’enchaîne avec ma tournée de livraison dans la région. Mon objectif depuis le début était vraiment de réaliser toute la filière du grain au pain. Mais au quotidien, ce n’est pas linéaire, tout est mélangé… ».

En Belgique, ils ne sont que quelques-uns à avoir tenté ce triple métier encore trop peu reconnu… « Il y a par contre de plus en plus d’agriculteurs qui se dotent d’un moulin pour diversifier leur production et vendre leur farine » explique Simon.

 

En Belgique,
ils ne sont que quelques-uns à avoir tenté
ce triple métier encore trop peu reconnu

Un instit musicien
en quête
d’autonomie alimentaire

« À la base, j’ai une formation d’instituteur primaire puis j’ai fait une licence en sciences psychologiques et de l’éducation » raconte Simon. « Mais j’en avais marre de rester derrière un bureau, j’avais envie de revenir à du concret. Et puis j’avais toujours eu cette idée de tendre vers la production autonome de ma nourriture… Je me suis donc installé avec des copains dans un habitat groupé dans une ferme du côté de Rochefort, où nous faisions un peu d’élevage. Mais j’avais en parallèle une activité de musicien qui a pris de l’ampleur et était peu compatible avec l’élevage. J’ai alors pensé à faire du pain pour la communauté… Mais je n’y connaissais rien ! J’ai donc été passer deux jours chez une boulangère qui faisait du pain au levain avec de la farine bio et artisanale. Et puis j’ai commencé tout seul dans ma cuisine… Je faisais du pain pour l’habitat groupé, les amis, les voisins… c’était très confidentiel ! Mais ça m’a permis de m’entrainer… Faire un pain ou 50, c’est une toute autre organisation! Il faut gérer les quantités, le four, la durée de cuisson, la chaleur… »

Au bout de 4 ans, 2 enfants et quelques essais en culture des céréales, Simon décide d’abandonner la musique pour lancer avec son épouse un projet de filière complète, dans la ferme de ses beaux-parents près de Neufchâteau.

Ce que Simon aime dans la boulangerie ? « Son côté magique : on met de l’eau, de la farine, et puis il ressort un petit pain brillant, croustillant, qui sent bon… Et aussi le plaisir de faire quelque chose de ses mains qui nourrit la communauté et refait le lien avec la terre… »

« Le côté magique de la boulangerie :
on met de l’eau, de la farine, et puis il ressort
un petit pain brillant, croustillant, qui sent bon…
Et le plaisir de faire quelque chose de ses mains
qui nourrit la communauté et refait le lien avec la terre… »

Des variétés
de céréales anciennes

« Je cultive un cinquième de ce que je consomme et j’achète le reste chez des agriculteurs bios du coin » explique Simon.

« Je travaille avec des variétés de céréales anciennes : épeautre, seigle et un mélange de blés anciens. Celles-ci seraient systématiquement déclassées pour l’industrie car elles ne correspondent pas aux critères de mécanisation en boulangerie, de rendement au niveau culture et meunerie… Mais avec le pain ar­­tisanal au levain, cela ne pose pas de souci. En outre, ces variétés anciennes donnent des farines plus digestes, dont le gluten est plus facile à assimiler par rapport aux variétés modernes hybridées avec du froment. Avec les variétés anciennes comme le seigle, les racines peuvent en outre aller plus loin, jusqu’à 4 mètres. On va chercher des minéraux plus profondément, donc plus diversifiés. Mais bien sûr il faut entretenir la vie du sol pour que la racine puisse avancer et qu’il y ait des choses à puiser… Je travaille de la manière la plus respectueuse possible de la nature, sans labour ni pesticides, fongicides ou insecticides ».

La meunerie :
bien plus qu’un moulin

À l’entrée de la ferme, la grange est équipée de plusieurs silos et d’un dédale complexe de tuyaux, qui se chargent d’acheminer les grains lors de la livraison, les nettoyer, les trier, les stocker, puis les envoyer au fur et à mesure vers le moulin…  Des étapes essentielles qui nécessitent beaucoup de matériel et donc d’investissement.

Dans une petite pièce à côté trône le moulin qui transforme les précieux grains en farine grâce à une meule en pierre… « Il s’agit d’un moulin Astrié, un petit moulin électrique mis au point par deux frères français pour donner de l’autonomie aux fermiers et leur permettre de transformer leurs récoltes en farines » explique le meunier. « Il prend très peu de place. Sur trois mètres, il écrase les grains, tamise la farine et la met en sachetTout est automatisé donc une fois les paramètres réglés, je peux le laisser tourner en continu et juste passer vérifier que tout va bien de temps en temps. Autre avantage : à la différence d’un moulin traditionnel qui broie, le grain est déroulé et la pierre va chercher un maximum de farine jusqu’au son, l’enveloppe du grain. Cela donne une farine claire, presque blanche à première vue, mais qui est en fait très complète au niveau nutriments. En revanche, le débit est évidemment bien plus lent que les moulins traditionnels ou industriels ».

Levain naturel
et cuisson au bois

La veille du jour de cuisson, Simon doit aussi penser à « nourrir » son levain, un mélange de bactéries et de champignons « bien vivant », qui permet de faire lever la pâte à pain. Et ce trois fois sur 6 heures… « Ce levain a plus de 40 ans ! » raconte-t-il. « Il m’a été donné par la boulangère qui m’a formé, qui l’avait elle-même reçu d’un boulanger breton, qui l’avait lui-même reçu du boulanger du village… Ce qui le rend très résistant ! »

Pour cuire son pain, il a investi dans un four professionnel. Mais celui-ci est alimenté par un feu au bois !
« Je travaille uniquement sur commande pour éviter le gaspillage » explique le boulanger, en préparant le levain qui lui permettra de produire 500 pains le lendemain. « Dans mes clients, j’ai quelques groupements d’achats communs (GAC), des épiceries locales et bios de village, des magasins à la ferme ou encore des particuliers qui viennent chercher leur pain dans des dépôts ou ici. Nous avons un petit « magasin » où nous laissons les pains commandés à disposition. »

Son rêve à terme ? « Que chaque village dispose d’un paysan-boulanger qui puisse nourrir ses habitants ». Il reste du chemin à faire mais Simon et son épouse ont en tout cas ouvert la voie…

Un beau rêve sur le long terme
« Que chaque village dispose d’un paysan-boulanger
qui puisse nourrir ses habitants »

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